Colloque : « Les enjeux scientifiques de l’ayahuasca. Bilan des recherches passées, perspectives des recherches à venir. »

19 mars 2011 14h - 19h École Normale Supérieure 45, rue d’Ulm Amphithéâtre RataudL’ayahuasca est un puissant psychotrope utilisé traditionnellement dans le large pourtour occidental du bassin amazonien. Les visions produites par la consommation de cette substance hallucinogène suscitent, par leur force et leur originalité, une multitude de questions quant à leur sens, leur valeur, leur pouvoir référentiel, etc. Le problème est d’autant plus complexe que l’ayahuasca est loin de constituer un seul phénomène naturel ; les visions qu’il génère sont avant tout le résultat de l’action d’une culture – elles sont notamment portées et conditionnées par des techniques chamaniques ; en outre, l’ayahuasca s’inscrit dans un véritable système épistémologique, hors duquel il n’aurait guère de sens.De même que, dans notre culture, l’usage par les scientifiques d’instruments tels que les accélérateurs de particules et leur exhumation d’entités « invisibles » (les particules élémentaires) posent de nombreuses questions, l’usage, dans les cultures chamaniques, d’instruments tels que l’ayahuasca et l’exhumation d’entités « invisibles » (les esprits) n’est pas sans soulever une foule d’interrogations.À l’occasion de ce colloque, nous nous intéresserons à l’ayahuasca sous plusieurs points de vue. La question de l’accès, de l’initiation, sera d’abord envisagée par Jan Kounen. Sébastien Baud traitera quant à lui de l’inscription anthropologique de l’ayahuasca. Enfin, Romuald Leterrier s’interrogera sur la portée épistémologique et ontologique de l’usage chamanique de ce psychotrope.M. F.14h00-14h30Martin Fortier, « Présentation des enjeux. Prolégomènes à une épistémologie de la vision chamanique »Il s’agira d’introduire aux enjeux que présente cet objet déroutant qu’est l’ayahuasca. Pour ce faire, l’on posera les bases d’un programme de recherche en épistémologie de la vision. Distinguant entre différents véhicules épistémologiques (parole, écriture, vision), on insistera sur le fait que l’Occident s’est d’abord construit sur la conjonction de la parole (hellénisme, christianisme) et de l’écriture (judaïsme, galiléisme – la science mathématisée), délaissant quelque peu le véhicule de la vision. Il existe certes, parmi les théologiens et les épistémologues, une tradition de l’étude de la vision (W.P. Alston, G.I. Mavrodes, J.I. Gellman en sont des exemples contemporains), mais elle s’inscrit dans un cadre souventchrétien et en tout cas monothéiste ; la proximité des concepts dont elle use tranche ainsi avec l’éloignement, l’exotisme et le supposé « grotesque » des concepts de la tradition chamanique. Un immense champ s’ouvre donc pour une épistémologie de la vision dans le cadre atypique du chamanisme. On proposera un survol de ce champ notamment à l’aide d’un de ses plus remarquables pionniers : Benny Shanon, auteur de The Antipodes of Mind. Charting the Phenomenology of Ayahuasca Experience.14h30-15h30Jan Kounen, « Retour sur mes voyages intérieurs »Je proposerai dans un premier temps la lecture d’une partie de mes Carnets de voyage intérieurs, dans lesquels je reviens sur le parcours qui m’a amené à découvrir l’ayahuasca, le chamanisme amazonien et la médecine traditionnelle shipibo. J’approfondirai dans un second temps le sujet en fonction des attentes de l’auditoire, en laissant une large place aux questions et à l’échange.15h30-16h30Sébastien Baud, « Pratiques de l’ayahuasca. Quelques exemples amazoniens »L’ayahuasca est la plante psychotrope la plus connue et d’une certaine façon la plus « en vogue » actuellement chez les Occidentaux. Appelée aussi natem, caa-pi, yajé, etc., si cette liane est parfois ingérée seule, elle est le plus souvent associée à une, voire plusieurs autres plantes. De même, on ne saurait réduire sa préparation à une seule manière de faire ou les motifs qu’elle donne à voir à des universaux. Après un aperçu des usages de l’ayahuasca dans quelques sociétés amazoniennes, seront abordées pratiques et représentations autour de cette plante/breuvage au sein de la culture awajún (groupe jivaro, Pérou). Qui l’ingurgite ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui est vu ? Autant de questions sur lesquelles je reviendrai. Un point toutefois semble commun à cette vaste région de l’Amazonie occidentale : ces pratiques posent l’existence de catégories liminales et la possibilité de les franchir. Autrement dit, tout part d’un imaginaire partagé, c’est-à-dire de représentations collectives, objets de croyances, qui s’inscrivent dans le registre du symbolique, à la fois pour s’énoncer et pour se mettre en scène.16h30-16h45Pause16h45-17h45Romuald Leterrier, « L’autoémergence de la connaissance dans l’expérience ayahuasca. Regards croisés entre le savoir chamanique et la science »Quelle est la valeur du savoir obtenu par le biais de l’ayahuasca ? Le savoir et la connaissance générés par la prise des plantes visionnaires ont-ils un intérêt scientifique ? Peuvent-ils avoir une incidence sur notre conception du monde, mais aussi une action sur la réalité ?En clair, est-il possible d’expérimenter les connaissances obtenues lors de l’accès à l’univers visionnaire, par le biais des plantes psychotropes ? Au cours de cette conférence, nous tenterons de comprendre le mode d’acquisition de la connaissance chamanique, ses particularités cognitives ainsi que les nouveaux concepts qu’il génère.17h45-19h00Table ronde : bilan et mise en perspectiveDiscutants : Roberta Locatelli, David Dupuis et Marc Santolini.

Previous
Previous

Patrimonialización del arte indígena: el caso del kené shipibo-konibo de la Amazonía

Next
Next

Blog do antropólogo Glenn Shepard